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Spleen et Idéaux
11 mars 2010

Spleen LXXVIII

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

 rose

Quelques remarques sur le poème.

 

La poésie de Baudelaire : entre tradition et novation.

 

- Sur le plan formel, Baudelaire reste attacher à la tradition. Il utilise le quatrain et l'alexandrin. Il n'invente aucune nouvelle forme (contrairement à ce que fera un poète comme Apollinaire et des Calligramme.)

 

- Pourtant Baudelaire et bel et bien un poète de la modernité. C'est dans sa poétique elle-même que réside sa grande novation. Pour ses comparaisons et métaphores, il utilise un vocabulaire inédit en poésie : dans son poème le ciel devient « un couvercle », le monde est « un cachot humide » peuplé par un animal de l'ombre (« chauve-souris »), que la pluie transforme en « vaste prison ». Ce vocabulaire et totalement novateur.

 

- Ce qui fait la particularité et la modernité de sa poésie, c'est qu'elle est particulièrement sensuelle. Baudelaire fait appel à tous nos sens.

  •           Tout d'abord c'est une poésie extrêmement visuelle, Baudelaire utilise des images très concrètes, nous donnant à voir un univers sombre et particulier (voir ce que le paragraphe précédent sur le vocabulaire utilisé).
  •           Il fait également appel au sens su toucher : son univers est lourd, humide orageux, à travers notre lecture on ressent l'atmosphère froid est humide d'une cave. En parallèle au toucher cela fait également appel à l'odorat, on peut sentir l'odeur « des plafonds pourris ».
  •           Le plus important des sans doute le sens de l'ouïe. On notera beaucoup d'allitérations en « r », en « p » et en « s », ou encore, des assonances en « i ». Il faut également noter la particularité des deux derniers vers. « Des cloches tout à coup sautent avec furie / Et lancent vers le ciel un affreux hurlement » : le tourment des esprits est à son comble, tout hurle, se déchaine. Puis tout d'un coup : le silence qui résonne. C'est la mort qui résonne dans un grand silence, après la tempête.

 

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